Depuis octobre 2022, je photographie régulièrement les spectacles du mythique cabaret Madame Arthur, à Pigalle, en parallèle de mon travail de recherche.
Ce travail photographique constitue à la fois une respiration vis-à-vis de mon travail académique, et aussi un prolongement : il l'inspire autant qu'il s'en inspire, nourri d'influences historiques, picturales, théoriques, mais aussi expérientielles et intimes, au plus proche du souffle qui anime ce lieu de spectacle vivant et les personnes qui le font vivre. Ainsi, de la même manière que mon travail académique repose sur des expérimentations in situ, loin du cadre contrôlé du laboratoire pour se confronter directement au désordre de la vie réelle, mon travail photographique est exclusivement réalisé lors des spectacles, en public. Il s'agit alors de saisir à la volée une image qui ne peut être reproduite, car mes sujets ne posent pas : ils sont en mouvement, ils performent, continuellement.
"Dans les nuits de Pigalle, on se soustrait aux obligations de la société diurne. Sous les paillettes (et malgré les drames qu'elles maquillent), on peut bien être qui on veut : il n'y a plus rien à prouver. C'est cette liberté d'exister, d'être, de créer et de se créer, entièrement et avec passion, qui m'a séduite et inspirée chez les artistes, "créatures chimériques", du cabaret Madame Arthur. Ma démarche est donc avant tout celle de rendre hommage à celleux qui font vivre au présent ce lieu mythique de l'Histoire LGBT+ parisienne. Il s'agit de figer l'existence de ces instants de grâce - la chaleur d'un regard, l'élégance d'un geste, la douceur d'un mot soufflé dans le micro - pour qu'ils subsistent et construisent la mémoire, immobile mais vivante, de ce qu'est ce cabaret aujourd'hui. En révélant ces créatures par le prisme de mon regard, à la fois extérieur et intime, je souhaite mettre en lumière la diversité et la complexité de ce qu'elles expriment, avec tout ce que cela implique de fragilité, d'imprévus, de gravité parfois, mais aussi d'humour, de décalage et d'excès. Représenter, enfin, tout ce que ce cabaret symbolise, tout ce qu'on y trouve, tout ce qui s'y vit. C'est un espace foisonnant de beauté, d'émotions, de joie et de nostalgie, un espace d'ouverture, mais surtout un espace de liens humains échappant aux codes dominants."
- Extrait de note d'intention dans le cadre d'une exposition au Tournoi International de Paris, mai 2023 -
Ouvert depuis 1946, Madame Arthur fut le premier cabaret travesti parisien, où se produisirent des artistes transgenres célèbres telles que Coccinelle ou Bambi. Aujourd'hui, le lieu oscille entre cabaret de musique live et boîte de nuit, intégralement dédié à la chanson française.